vendredi 4 septembre 2009

Magie des tourbières


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«Peu à peu le sol devenait spongieux sous ses pieds, et il devait faire effort à chaque pas pour les arracher à sa succion. Puis ses mains rencontrèrent les branches et les troncs d'un petit bois, et il reconnut l'aulne noir des marécages. Il voulut s'arrêter, faire demi-tour, mais une force irrésistible le poussait aux épaules. Et à mesure que ses pieds s'enfonçaient d'avantage dans la landèche gorgée d'eau, il sentait l'enfant -si mince, si diaphane pourtant- peser sur lui comme une masse de plomb. Il avançait, et la vase montait toujours le long de ses jambes, et la charge qui l'écrasait s'aggravait à chaque pas. Il devait maintenant faire un effort surhumain pour vaincre la résistance gluante qui lui broyait le ventre, la poitrine, mais il persévérait, sachant que tout était bien ainsi. Quand il leva pour la dernière fois la tête vers Ephraïm, il ne vit qu'une étoile d'or à six branches qui tournait lentement dans le ciel.»
Michel Tournier - Le Roi des Aulnes.

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Mon océan de verdure, vacances pour oublier, se laisser guider par les sentes nouées de racines aux creux de la lande; suintant de bistre et de mauves, callunes et brimbelliers entremêlés parmis les rochers, gris de mousses et de joncs.
Voguer vers l'autre rivage, à la frontière entre mer et forêt bleuissant dans le lointain, par le chemin de bois qui serpente et s'enfouit dans la vase noirâtre, viser les Droséras empourprées d'un feston de denticules hérissées, ne rien cueillir sous peine de voir disparaître ce paradis miraculeux...
Guetter en vain le Grand Tétras, tarder à repartir, goûter les variations de lumière et rêver devant la hutte de carriers et sa meurtrière dirigée vers le grand large.
Fouler une fois encore le sentier de fougères, Dryopteris dont les racines vénéneuses dorment dans la terre sucrée.

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La Faigne des Charmes est une tourbière d'altitude dont la formation remonte à l'époque glacière, elle est alimentée par les eaux de pluie.
C'est une sorte de gigantesque baignoire de grès imperméable posée sur un socle granitique, structurée en crêtes parallèles, elles-mêmes séparées par des dépressions comblées par des gisements tourbeux.
Avec près de 40 ha de superficie, c'est le plus important complexe tourbeux du massif des Vosges après le Gazon du Faing.

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Monter par Thiéfosse offre la découverte la plus émouvante et la plus spectaculaire qui soit.
Après une marche d'une bonne vingtaine de minutes, avec un peu de chance on devine un semblant de chemin qui grimpe à travers les fougères pour déboucher, à l'extrémité nord-est de ce gigantesque plateau de grès, sur une longue excroissance rocheuse, erigée en une sorte de terrasse où foisonnent airelles et bruyères, belvédère miraculeux offrant au regard ébahi le spectacle majestueux de la plus grande des tourbières, étalée comme une mer immense, parsemée au loin de bosquets de bouleaux et entourée de tous côtés par les hêtres et les sapins.

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Merveilleuse relique du Mésolithique, c'est le royaume des sphaignes et de la Molinie. Mais on y découvre aussi linaigrettes, canneberges, airelles rouges et airelles des bois, brimbelles d'âne, Rossolis à feuilles rondes, Orchis tâchetées, callunes et andromèdes... On y croise parfois la grande Gentiane, et l'onde blafarde abrite l'araignée plongeuse, la Dolomède, qui chasse sous l'eau les larves d'insectes, les têtards et les petits poissons.
La Faigne des Charmes abrite l’une des quatre dernières populations majeures de Grand Tétras du massif vosgien.

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1 commentaire:

Sit a dit…

Allant de blog en blog, je découvre celui-ci avec beaucoup de bonheur. Le Roi des aulnes, un petit morceau de forêt, des phrases serpentines... j'aime particulièrement ce post évocateur d'un univers où l'on avance à petit pas, intrigué.
Merci !

 
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