Magicien de la ciné-marionnette, grand parmis les pionniers du cinéma d’animation, s'il n'a pas véritablement inventé ou initié le procédé de l'animation en volume, Ladislas Starewitch est néanmoins reconnu pour avoir donné au genre ses lettres de noblesse et imposé une tradition avec ses poupées et ses pantins filmés image par image.
Né en 1882, contemporain du français Emile Cohl, il fut le premier réalisateur russe de dessins animés.
Dans ses films Starewitch a créé un univers magique, fait de poésie, d’humour et d’humanisme, mais qui prend sa source dans un quotidien souvent trivial, parfois naturaliste, et d'un réalisme en opposition avec les mondes purement fantastiques qui illustrent habituellement le cinéma d’animation.
En cela il est bien plus proche de l'univers des contes populaires, dans lesquels la fonction initiatique fait traverser au héros toutes sortes d'épreuves, obstacles en apparence insurmontables, énigmes à résoudre, morts et résurrections... et s'ordonnent autour de deux pôles antagonistes, le bien et le mal, matérialisés par des personnages et par leur ethos. Ils posent le problème d'ordre moral : le héros doit lutter pour résoudre le conflit posé par cette dualité.
Du point de vue scénaristique c'est parce qu'il arrive du malheur au personnage principal qu'il va déployer les qualités nécessaires pour s'en sortir, ce que Syd Field appelle plot-point ou point de non-retour. L'idée n'est pas nouvelle, on trouve déjà ce principe dans le théatre d'Aristote, l' hamartia, qui est une faute commise par le héros permettant le renversement du malheur au bonheur, ou du bonheur au malheur.
Le visionnage des parties 2 et 3 continue ici et là.
Cette version comporte la musique originale, à la
différence des autres versions trouvées sur sur YouTube.
« Fétiche la mascotte » répond à cette tradition du conte merveilleux. A première vue douce et enfantine, c'est aussi une animation riche en personnages sataniques.
A l'instar de Pinocchio, Fétiche le petit chien est une peluche inerte qui va prendre vie, animée par les larmes d'une mère en plein désarroi. Ému, il va tout faire, jusqu'à croiser le diable, pour rapporter une orange à la petite fille et faire revenir un sourire dans cette famille minée par la pauvreté.
Alors qu’en compagnie d’autres jouets il est emmené dans un magasin pour être vendu, il parvient à s’enfuir avec ses compagnons. Ils se retrouvent dans un lieu étrange où le diable organise une fête à tout casser.
Dans la deuxième partie, Fétiche est confronté à des créatures tout droit sorties de l’enfer : poulet et poisson squelettes, légumes démoniaques... et une foule de personnages qui, dans une ambiance cabaret, se livrent à de joyeuses débauches.
Un des jouets de l'histoire est un souteneur qui extorque au sens propre de l’argent à un singe, alors que celui-ci fait du gringue à une poupée.
Ce film tourné en 1933 emprunte une part de sa fantaisie à l'univers des contes d'H.C. Andersen et de Carlo Collodi (Pinocchio paraît pour la première fois en 1881). Il sera à son tour une prodigieuse source d'inspiration pour toute une lignée d'animations sur le thème des jouets :
Hermina Tyrlova réalise en 1946 "La Révolte des jouets", la même année "Rêve de Noël" naît sous les doigts du Méliès Tchèque Karel Zeman, et sera primé comme « meilleure animation » au festival de Cannes.
Plus proche de nous on pense inévitablement à "Toy story" réalisé par les studios Pixar, mais Tim Burton surtout fût très impressionné par l'inventivité de ce créateur de génie et par sa merveilleuse capacité à insuffler une âme à des objets, découvert grâce à Rick Heinrichs. Conseiller visuel et co-réalisteur de "Vincent", celui-ci s'était fait un devoir d'en projeter les films à toute l'équipe pour trouver l’inspiration de "L'Etrange Noël de Mr. Jack", dont certains des personnages sont un hommage à Fétiche mascotte.
Adulé par Terry Gilliam, Peter Lord ("Wallace et Gromit") ou Ray Harryhausen, Starewitch est un de ces rares génies qui ont offert au cinéma de nouveaux horizons.
Né à Moscou de parents polonais, Ladislas Starewitch a passé son enfance et une partie de sa vie à Kovno en Lituanie.
D'abord professeur d'histoire naturelle, curieux de tout, s’intéressant au théâtre, à la photographie, à la peinture et au dessin, c'était aussi un grand passionné d'entomologie au point d'avoir filmé en 1910, image par image, un combat de scarabées reconstitué à partir des animaux naturalisés du Musée des Sciences de Kovno, Lucanus Cervus, qui lui valut la réputation de savoir dresser les insectes.
Il s'installa par la suite à Moscou où il monta en 1912 son premier studio de cinéma pour y réaliser d'autres films avec des insectes animés, des adaptations des Fables de La Fontaine ("Le rat des villes et le rat des champs", "La cigale et la fourmi"...), mais également des longs métrages.
Sa réputation s'accrut rapidement sur le plan international.
Très prolifique, il réalisa avant la première guerre mondiale une douzaine de films d’animation et une cinquantaine de fictions.
Après la révolution Russe il quitta Moscou pour s’installer définitivement en France, et pendant les 40 dernières années de sa vie se consacra exclusivement à l'art de la marionnette dans son nouveau studio d’animation à Fontenay-sous-bois. Il s'est éteint en 1965.
5 commentaires:
Enfin !
Magistrale synthèse de ce qu'on peut dire de plus juste sur ce magicien de l'animation.
As-tu jeté un coup d'oeil aux jolis films de Marjut Rimminen et notamment Urpo & Turpo ?
MarcdeFabriek
Maâame Minie , tu me sidères !
Combien de temps passes-tu sur tes notes ?
(pourquoi ai-je l'impression d'être une amibe quand je te lis !? )
Oui là pour le coup le BB est sorti moins vite, accouchement un peu long et délicat (j'aime les lents mûrissements, c'est comme les vendanges tardives), mais passionnantes lectures à la clef...
C'est ma façon de résister.
Marie si tu étais une amibe tu ne pointerais même pas ton nez ici ;-)
Merci pour tes visites !
Et merci cher Martien pour ton généreux commentaire, c'est vivifiant et très encourageant. J'avais un peu fouiné pour Urpo & Turpo à l'époque de ta note, sans grand succès. Mais je vais repartir en chasse avec Marjut Rimminen comme coursier... dés que mes prostatiques problèmes de connection auront disparus ! (je n'éxagère rien, Noos est une vraie galère par moments)
Je ne connaissais pas Ladislas Starewitch, j'adore son travail ! merci !
Sympa ta visite ! Est-ce que tu connais "Les contes de l'horloge magique" ? (de Starewitch bien sûr)
On trouve ça en DVD chez Heeza, c'est... magique !
http://www.heeza.fr/search.php?lang=1&sort=Article&search_query=Starewitch&page=0
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