« Tu es assis comptable des trépas sans faillir, dans une ville, au fond d'une cour ou la tête dans l'étau d'un quarteron de murs décatis avec au-dessus à peine de quoi respirer et, en deux ou trois accords, le ton monte comme une grande marée nocturne emportant tout dans le noir limpide, immense, et t'emporte cette dictature du silence et de la majesté. Au-dessous: 5 millions d'âmes et l'envers brillant d'insomnie de la moire étoilée qui brûle son alcool et ses mauvais rêves et continue de tomber, sillonnée par des rues insensées. Le pied léger, la tête ivre toujours, Paris a faim mais chaque soir tu es sauvé, Evans ne joue pas de notes, il joue toutes tes heures, tes secondes et tes journée et compte jusqu'aux convulsions de ton corps endormi. Le grand Bill sauve l'essentiel de ton intégrité, le fond de ton âme, ce torrent intraitable que tu ne dois jamais oublier. »
Avec l'aimable autorisation de Bannister.
B Minor Walz (en écoute ici >>>), dédié à son ex-femme Ellaine qui s'est suicidée en se jetant sous une rame de métro, ouvre l'album "You must believe in spring", sorte d'oeuvre au noir, d’une tristesse pathétique marquée par la sensibilité d'Evans faite de nostalgie, mais d'une nostalgie sans outrance.
Après une magnifique reprise du thème tiré des Demoiselles de Rochefort (« You must believe in spring », composé par Michel Legrand sous le nom de "Chanson de Maxence"), le « We will meet again » dédié à son frère qui vient de se donner la mort : véritable main tendue au travers des ténèbres, comme une promesse d’une rencontre dans un au-delà où se poursuivraient leur complicité brutalement interrompue, composition habitée par la tristesse et magnifiquement soutenue par la contrebasse tout en rondeur d’Eddie Gomez.
Disque d’une beauté crépusculaire, habité par la mort, où Bill Evans convoque les ombres de son passé comme aussi celle de Scott Lafaro, son brillant contrebassiste fauché en pleine jeunesse 16 ans auparavant.
Le disque se termine curieusement sur « Suicide is painless » (Le suicide est indolore), thème tiré du film MASH.
Il a été enregistré en 77 mais n'est sorti qu'en 80, à titre posthume.
Bill Evans est mort le 15 septembre 1980 à New York, des suites d'une hémorragie interne.
La beauté et la majesté d'un ange à peine écorné au seuil de la nuit, là où les rêves s'abreuvent à l'impossible et se consolent de trop rêver...
Comme une grande marée, "sous le ciel grand ouvert, la mer ferme ses ailes." *
* Paul Eluard
mardi 14 avril 2009
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3 commentaires:
Bonne idée de mettre en avant la plume de Bannister
;-)
Ah quel foutu disque de Bill Evans!
Grands dieux que c'est prenant...
Très beau blog que le tien,
découvert via "Voices".
J'avais aussi dit deux mots de ce disques sur mon blog, là :
http://roudotf.canalblog.com/archives/2008/04/19/8876979.html
Je reviendrais!
Hm, hm, un confrère !
Merci pour ta visite, mais oui, reviens quand tu veux ! ;-)
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