samedi 9 mai 2009
Rêve de M'zab
Depuis quelques années, en partie grâce aux captivantes émissions de François Chaslin (Metropolitains - France culture), je rêve de parcourir le M'zab, cette région d'Algérie occupée très tôt par des Ibadhites venus de Perse, dans cette Afrique du Nord visitée par les peintres orientalistes, Delacroix, Chassériau, Renoir...
Le rêve d'admirer la lumière qui sature les couleurs, joue à peindre des taches claires et mouvantes sur le crépi des murs, chauffés à blanc aux heures de midi, et dans la ville resserrée sur elle même dessinant parfois dans l'ombre des ruelles étroites ces échancrures ocrées qui suivent la course du soleil et donnent à goûter d'avantage encore à la fraîcheur inespérée; le rêve d'éprouver l'étrange douceur du jour lorsqu'il est mûr et comme baigné d'or liquide, aux heures du soir s'en venant tout doucement, allongant les ombres peu à peu en de longues traînes mauves et traçant des reliefs et des franges aux couleurs de miel...
Bordées de palmeraies propices au sommeil d'été à la belle étoile, les villes du M'zab semblent comme le théatre d'un jeu d'ombre et de lumière où, dans la fraîcheur salutaire, la vie se partage.
Il n'y a pas de palais au M'zab.
Le M'Zab est une région du Sahara algérien habitée à partir du XI° siècle par les Ibadhites Rostémides, dont une grande partie des mozabites actuels sont les descendants.
Les Ibadhites sont à l'origine issus -avec les Soffrites- du mouvement des Kharedjites, musulmans dissidents qui au VII° siècle avaient refusé l’autorité d’Ali auquel ils reprochaient la conclusion d’un accord de paix avec Mou'awia, le gouverneur de Syrie, accord qui mettait fin à la querelle les opposant tous deux dans la succession de Mohamed. (Bataille de Ciffin, 657).
Pourchassés pour hérésie, la plupart d'entre eux conduits par le gouverneur perse de Kairouan -Abderrahmane Ibn Rostem- émigrèrent en Ifriqiya jusque dans le Maghreb central. Ils y érigèrent la ville de Tahert en 761, après avoir rallié des tribus berbères Zénètes. Cette cité-état, devenue celle des Rostémides par éponymie avec son fondateur et nouvel imam, fut riche et prospère durant un siècle et demi, avant d'être détruite par les Fatimides Chiites. Certains groupes s'installèrent à Isedraten (Sedrata) qui brilla elle aussi très vite par sa richesse, mais fut à son tour détruite vers 1075.
Les Ibadhites Rostémides se réfugièrent alors dans le oued M'zab et construisirent en l'espace de 50 ans un ensemble de cinq villes fortifiées : El Atteuf, Bou Noura, Beni Izguen, Melika et Ghardaïa.
D'une rare beauté et d'une grande pureté de conception, ces cinq villes sont construites sans artifices, dans une volonté évidente de simplicité, utilisant les matériaux disponibles sur place et usant d'une main d'oeuvre communautaire.
Les murs ne sont pas tirés au cordeau et les enduits de plâtre gardent la trace des doigts de l'artisan maçon et des régimes de dattes débarrassés de leurs fruits qui leur servent à appliquer le mortier, ce qui leur confère un caractère propre, loin de tout formalisme, et une façon toute particulière d'accrocher la lumière.
Maisons, puits, barrages et systèmes d'irrigation, ponts, tours fortifiées, mosquées, tombes, sont errigés dans un style unique, sans géométrie stricte et sans intention d'esthètisme, dans le souci permanent dêtre fonctionnels.
Intelligentes, humaines, faites de main d'homme, les constructions de la pentatole mozabite sont parfaitement adaptées à l'environnement et au climat, et conçues pour la vie en communauté tout en respectant les structures familiales. Rues sans circulation automobile, sans danger pour les jeux d'enfants qui entrent et sortent à l'envie, lieux communautaires et espaces reservés, prise en compte des mouvements et des besoins de passage, petites fenêtres ou puits de lumières, fraîcheur captée par un système de ventilation naturelle proche de celui des tours à vent... chacun des besoins élémentaires est servi par une architecture pure, pertinente, nullement pénalisée par une absence d'art -art au sens occidental du terme-, et essentiellement régie par les exigences d'une morale religieuse, philosophique et sociale.
«...Je vous comprend d'admirer l'homme qui a travaillé au M'Zab avec ses propres mains. Il a lutté avec les matériaux, les contingences, avec sa culture. C'était un duel avec la matière, et lorsqu'il a résolu son problème: il avait créé la beauté. Ce ne pouvait pas être laid, car cela ne pouvait se faire autrement.»
(Hassan Fathy -architecte égyptien- Début de la préface «Le M'zab, une leçon d'architecture» d'André Ravéreau)
André Raverau, ancien architecte en chef des Monuments historiques en Algérie et admirateur comme Le Corbusier de l'architecture du M'zab, en a tiré de passionnants ouvrages où il soumet sa reflexion sur une réforme de l'architecture, celle de notre civilation industrialisée, enserrée dans la confusion.
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4 commentaires:
On part quand ???
A la maison nous avons une litho de Delacroix (intérieur mauresque 1832) que j'adore et qui nous suit depuis plusieurs années ...
Quand l'architecture est faite par et pour l'homme, tout change... Je comprends que tu aies été séduite par cette terre de contrastes. (trop chaud pour moi, malheureusement !)
Si tu es intéressée, un tag t'attend sur mon blog : http://cuisinede4sous.canalblog.com/archives/2009/05/14/13729323.html
Une ville au mille symboles ,elle est la beauté elle-même
Bonjour,
Je partage votre opinion, je vous invite à propos à visiter ce site web qui contient une abondante matière sur le Mzab et l'ibadisme : www.eboxeditions.com
Cordialement
Daddy
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