vendredi 15 mai 2009

Au pays des Mursi et des Surma


La basse vallée de l'Omo est un territoire particulier d'Éthiopie méridionale, situé dans la dépression du Rift, qui jouxte le Kenya et le Soudan. Sur quelques 60 000 km2 se côtoient une vingtaine de tribus (Mursi, Surma, Dorze, Hammer, Tsemay, Ari ...) fortes d’un millier à plusieurs dizaines de milliers de personnes.
La nature y est sauvage et les hommes aussi.
Depuis toujours, les peintures corporelles, les bijoux, les scarifications, l’élaboration des coiffures, offrent à ces populations un champ d’expression où ils donnent toute la mesure de leur inventivité et de leur adresse.
Grâce aux difficultés d’accès, ces différentes tribus n’ont connu ni la traite des esclaves, ni la colonisation. Les pouvoirs d’Addis-Abeba, de Nairobi ou de Khartoum, très éloignés de la vallée, ne se sont jamais intéressés à ces habitants.
Dans ce paradis de nature -proche de la vallée de l'Awash où ont été retrouvés les ossements de Lucy et où vivent encore lions, buffles et éléphants, où sur les bords des lacs abondent tisserins dorés et rolliers d’Abyssinie, grues, marabouts et pélicans-, les femmes et les hommes d’aujourd’hui perpétuent des modes de vie ancestraux. Les femmes mursi paradent les lèvres élargies par des assiettes d’argile, les lobes étirés, les corps peints et scarifiés, et les adolescents jouent à se peindre avec de la terre et des pigments de différentes couleurs et se décorent avec les végétaux qu'ils ramassent autour d'eux.

Somptueuses parures végétales des enfants-fleurs, poèmes vivants...
Faire de l’or avec de la boue.
Photographies de Hans Silvester, tirées du livre "Les habits de la nature" (éditions La Martinière).





Dans cette région de nomadisme, le corps est abordé comme un véritable territoire, mais -pour citer David Le Breton ¹- un corps qui fonctionne à la manière d'une borne frontière pour distinguer chaque individu. Le visage est alors le marqueur privilégié de la différence intime.
Hans Silvester écrit : « L'absence de miroir, objet inconnu jusque récemment dans ces tribus, contribue sans doute à cette absolue liberté des peintures. Sans miroir ni même son équivalent naturel -l'eau, limoneuse, est toujours trouble dans la vallée- comment se voir autrement qu'à travers la réaction de l'autre ?
Le reflet, l'image narcissique au sens mythique du terme, n'existe pas. L'image de soi -mais peut-on ici parler d'image de soi ?- se construit donc exclusivement à travers le regard de l'autre. Et, d'une certaine façon aussi, à travers l'objectif du photographe.
Cette situation ne force t'elle pas à inventer quelque chose d'un peu fou, d'un peu extrême, pour que l'autre réagisse, alors que le miroir n'est jamais que le miroir ? Pour cette même raison, ces peintures corporelles ne sauraient se pratiquer seul. Leur exécution rend la présence d'une seconde personne indispensable, au moins pour le visage et pour le dos. Mais souvent, ils sont cinq, dix, au bord de l'eau. Ces peintures s'apparentent à des jeux de groupe. »



¹ David Le Breton - Anthropologie du corps.

2 commentaires:

Marie Alster a dit…

Je connais cette série de photos, elles sont fantastiques!

marie a dit…

Zut ... J'avais raté ça !!
J'ai eu l'occasion , au Niger , de croiser des Peuls ... Bororos ?
Les hommes , jeunes , se peignent le visage lors d'une fête qui si je me souviens bien , est une fête de la beauté ...
De la couleur , des cauris , des perles et plumes ...
Et des jeunes filles choisissent le plus beau !
Ca fera bientôt 30 ans ...
Oh-Mon-Dieu !!

 
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